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Andrea Merlone dans son laboratoire © DR

Andrea Merlone dans son laboratoire © DRPour pouvoir analyser le changement climatique, il faut des mesures et des observations fiables et comparables à l’échelle mondiale d’un certain nombre de variables. C’est dans ce but que MeteoMet a été créé en 2011, pour soutenir les climatologues en réduisant l’incertitude des données et en améliorant la traçabilité.

MeteoMet fait partie du Programme Européen de Recherche en Métrologie (PERM), fondé et financé par l’Union Européenne et qui rassemble 21 pays. Aujourd’hui, il réunit les univers de la métrologie et celui de la météorologie. Par le passé, ces deux communautés travaillaient rarement ensemble – mais elles ont toutes deux réalisé qu’elles avaient un rôle à jouer ensemble pour faire avancer notre compréhension du changement climatique.

« L’étude du climat est basée sur la compréhension de l’évolution d’un large éventail de quantités différentes, avec comme observable clé, la température : il est de notre devoir, en tant que métrologues, de soutenir et rendre plus accessibles les données sur lesquels les météorologues et climatologues comptent », explique Andrea Merlone, chercheur principal à l’Istituto Nazionale di Ricerca Metrologica (INRiM) italien et coordinateur MeteoMet.

Évaluation de l’incertitude

Aujourd’hui, MeteoMet a deux missions principales. D’abord, permettre une meilleure compréhension de la qualité des données d’hier et d’aujourd’hui en associant l’incertitude quantifiable aux mesures. « Sauf dans certains cas rares, les données climatologiques viennent des observations métrologiques, et cela signifie que des variables multiples peuvent influencer les relevés », souligne Andrea Merlone. Ainsi, l’équipe affecte un pourcentage d’incertitude à chaque mesure selon le moment, la manière et le lieu où elle a été prise. Ceci afin de prendre en considération tous les facteurs potentiels d’incertitude, tels que le rayonnement solaire réfléchi par la neige, les effets rafraîchissants de la pluie ou la proximité d’une route qui peuvent perturber les capteurs.

Récemment, les membres de MeteoMet ont fait partie d’une équipe missionnée pour valider deux records de température de 54.0°C enregistrés au Koweït en juillet 2016 et au Pakistan en mai 2017. Après avoir intégré différents paramètres et étalonné les thermomètres, les températures ajustées étaient de 53,87°C pour le Koweït (avec une incertitude de 0,08 degrés) et 53,72°C pour le Pakistan (avec une incertitude de 0,40 degrés). Ce sont les troisième et quatrième records de températures mondiaux et un record absolu de température en Asie.

Amélioration de la précision

La deuxième mission clé de MeteoMet est de soutenir la prochaine génération de climatologues en leur fournissant des données adaptées. Ceci évitera d’avoir à faire des calculs mathématiques compliqués destinés à corriger d’éventuels écarts

Le tout premier projet de l’organisation tombe dans cette catégorie. Il consiste à améliorer les techniques d’étalonnage dans des stations de surveillance à distance. Dans des endroits tels que l’Himalaya ou l’Arctique, les conditions météorologiques extrêmes impliquent généralement d’envoyer les instruments pour les opérations d’étalonnage dans des laboratoires éloignés. En conséquence, non seulement les instruments sont indisponibles pendant de longues périodes mais ils sont également étalonnés dans des conditions très différentes de celles dans lesquelles ils sont utilisés. Après un travail important dans le domaine, l’équipe MeteoMet a conçu des enceintes portables spéciales, qui permettent d’étalonner les capteurs sur site dans des conditions de fonctionnement normales.

Travail sur le terrain

« Nous estimons qu’il est essentiel de sortir du labo pour comprendre les vrais besoins des personnes sur le terrain », dit Andrea Merlone. Depuis sa création, MeteoMet a intégré un grand nombre de tâches et d’activités pour améliorer les performances de l’instrumentation : de 6 000 m de profondeur sous la mer (étalonnage et caractérisation de thermomètres sous-marins) à plusieurs kilomètres dans la troposphère (la comparaison métrologique de radiosondes), en passant par le sous-sol (permafrost et les caves de glace) ou en surface (des stations de référence de climatologie), ou d’un environnement urbain aux hautes montagnes et aux pôles. Récemment, des données océanographiques précieuses ont été collectées grâce à un capteur attaché au bateau du navigateur Fabrice Amedeo alors qu’il prenait part à la Transat Jacques Vabre, la compétition de voile France-Brésil*.

Andrea Merlone et son équipe sont des scientifiques de terrain. Leurs investigations les ont conduits jusqu’à la Pyramide de l’Everest à une altitude de 5 050 m. Ils ont aussi aidé à installer un laboratoire de métrologie à 300 m dans les Alpes, destiné à mesurer la température du permafrost avec des capteurs calibrés.

Parmi d’autres réussites, on recense l’établissement de comparaisons entre laboratoires météorologiques en Europe et en Asie ; l’Afrique et l’Amérique du Sud vont suivre. L’équipe a aussi développé un nouvel équipement pour simuler les conditions atmosphériques réelles des instruments en laboratoire. Ils ont aussi contribué à renforcer les contacts scientifiques en lançant une conférence biannuelle « Métrologie pour la météorologie et le climat ».

Travaux à venir

MeteoMet ne manque pas de projets, comme le prototypage d’une Station de Référence Climatologique et la comparaison de thermomètres et de boucliers solaires dans la station arctique de Ny-Ålesund en Norvège.

Un objectif majeur est de trouver une définition commune de la température de l’air du point de vue métrologique et climatique. « Ça a l’air simple, mais pour le moment il n’y a pas de définition partagée sur ce que les thermomètres utilisés en métrologie climatique sont réellement en train de mesurer. La réponse de ces thermomètres est un mix de transferts de chaleur thermodynamiques, comprenant le rayonnement, la convection, la conduction et la condensation que nous appelons température. Les conditions de calibrage des thermomètres sont aussi très importantes », explique Andrea Merlone. Par exemple, lorsqu’on réalise l’étalonnage d’un thermomètre à résistance de platine dans un liquide, même si l’instrument est destiné à mesurer un gaz (l’air), nous devons déterminer la composante d’auto-échauffement dans des conditions proches de d’utilisation (enceintes thermostatiques ou climatiques, réfrigérateurs ou congélateurs non ventilés).

Toujours en appliquant sa rigueur et son attention habituelles aux détails, l’équipe travaille avec 24 nations afin que la température de l’air puisse être mesurée de façon précise, cohérente et régulière à travers le monde. Pour les scientifiques du futur, ce niveau de précision pourrait se révéler être inestimable dans leurs efforts à atteindre une meilleure compréhension du changement climatique.

* Trescal a apporté une contribution technologique à cette étude scientifique avec l’étalonnage des capteurs de température embarqués au sein de la Station de Référence Climatologique.